hiver 2019/2020

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édito
Municipales, prêts ? Partez !

Elles s’annoncent, seront donc là, à portée d’urne : les élections municipales, millésime 2020. Les premières post-effondrement de la scène politique qui a structuré la Ve République et a vu l’émergence – et la prise de l’Élysée – au printemps 2017 d’un jeune mouvement structuré pour porter une ambition, La République en marche. Que nous dirons ces municipales à Nantes comme à Saint-Nazaire, dont l’unique certitude nantaise, en l’état, est qu’une maire succédera à Johanna Rolland puisque cinq femmes sont en lice ? Elles répondront à trois questions : le socialisme municipal survivra-t-il dans l’estuaire au déclin et à l’émiettement du PS qui, lors de municipales 2014 favorables à la droite, avait plutôt résisté dans l’Ouest ? L’urgence de la transition écologique, dont chacun à droite comme à gauche est conscient, permettra-t-elle aux candidats écologistes de confirmer leur bon score de l’élection européenne du printemps dernier et – c’est l’ambition annoncée – d’enlever quelques villes emblématiques, dont Nantes ? Enfin, le parti présidentiel, renforcé par le Modem de François Bayrou et les partisans de « la droite constructive », parviendra-t-il à s’implanter durablement en bord de Loire ?

Cinq, pas un de plus! Le comité de rédaction de votre revue a identifié cinq enjeux qui animeront les débats des élections municipales à Nantes et à Saint-Nazaire. Ces enjeux, nous avons souhaité les traiter en les abordant sous l’angle de la confrontation de points de vue, d’avis complémentaires, d’éclairages de spécialistes, de cartographies inédites, etc. Le premier enjeu, celui qui tapisse le fond de l’air de la campagne municipale, porte sur la métropole attractive: depuis des années, Nantes et Saint-Nazaire gagnent des habitants par dizaines de milliers et se portent plutôt bien économiquement. L’estuaire de la Loire attire et cette attractivité faite politique – ou pour le moins, vitrine – est questionnée. L’urbaniste Laurent Théry, qui a posé les jalons du réveil de Saint-Nazaire et porté le projet de l’île de Nantes, précise dans un entretien combien la métropole et le développement durable peuvent cohabiter. À l’opposé, Françoise Verchère, ex-maire de Bouguenais et figure de proue de l’opposition au transfert de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, estime que la croissance sans fin de la ville la fragilise et renforce les inégalités. À chacun de se faire son avis!
Deuxième enjeu, particulièrement prégnant, celui de la sécurité. Pas tout à fait nouveau, mais mis en avant en particulier à Nantes par les fusillades régulières générées par les trafics de drogue qui ont endeuillé la ville. L’historien Alain Croix montre combien l’appréhension de la sécurité et, surtout, le sentiment d’insécurité, fluctuent en fonction de l’époque
: avec les siècles et la régulation des mœurs, la vie sociale s’est quand même durablement apaisée…
Le troisième enjeu sélectionné par la revue est celui des mobilités, des déplacements du quotidien, pris sous l’angle de la gratuité des transports publics: le thème s’est imposé dans la campagne depuis que l’agglomération de Dunkerque – plus grande ville européenne à le décider – a choisi de rendre entièrement gratuit son réseau. Dominique Romann, de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) Pays de la Loire, livre un point de vue qui remet en cause cette gratuité qui, à terme, risque de fragiliser les réseaux qui optent pour. Sa définition de cette gratuité électoralement séduisante, «un fusil à un coup». Malika Mazouz, de la coopérative conseil en mobilités Iter, a étudié de près les effets de la gratuité des réseaux de transport public et a participé à une des premières études publiées sur le sujet, initiée par le Groupement des autorités responsables de transports: elle souligne combien la gratuité, qu’elle soit totale ou partielle, est propre à chaque territoire et doit prendre en compte de multiples paramètres. Ajoutons que déjà, par le biais de critères sociaux, la gratuité est souvent mise en œuvre auprès de ceux qui en ont le plus besoin – la demande pouvant aussi être assimilée à une épreuve de haies…
Développement durable, transition écologique, environnement… L’état de la planète impose aux villes de se mettre au vert. Architecte et sociologue, travaillant sur la ville et les problématiques environnementales, le chercheur Jérôme Boissonade précise les conditions qui lui semblent devoir être réunies pour qu’élus et citoyens prennent le virage des transitions. Avec un préalable, ne jamais dissocier la question urbaine de la question sociale. Pour contrecarrer l’étalement urbain qui dévore les terres, le mot d’ordre est à la densification de la ville, aux opérations de renouvellement urbain, bref, de (re)construire la ville sur le ville. Économiste de l’aménagement, Sonia Guelton, professeur à l’Institut d’urbanisme de Paris, explique que l’exercice impose également de mettre la main au portefeuille
: bâtir en hauteur génère des surcoûts… Puissance publique et opérateurs privés doivent s’entendre pour les financer.
Où est passé le peuple
? En tout état de cause, même si le maire reste officiellement la figure élue la plus appréciée des Français, ces derniers ne se précipitent pas en masse dans les bureaux de vote lors des élections municipales. À Saint-Nazaire et à Nantes, en 2014, ils étaient à peine plus d’un électeur sur deux à voter… Le peuple s’absente, massivement, et c’est le cinquième et dernier des enjeux des prochaines municipales. Cartes à l’appui, le géographe de l’université de Nantes Jérôme Rivière montre comment au fil des rendez-vous électoraux l’abstention s’est installée dans la métropole nantaise, en particulier dans les quartiers populaires. Les inégalités sociales trouvent un miroir dans le vote – ou le non-vote.
En complément de ces cinq enjeux, nous vous proposons une contribution du politiste Goulven Boudic
: sous un titre provocateur, «À quoi bon élire un maire?», il fait le tour de la fonction. L’histoire récente a porté au pinacle le «maire entrepreneur» qui finissait toujours par obtenir des responsabilités nationales. Puis la figure s’est estompée, parce que de fait l’État garde les coudées franches à l’échelon local et qu’aujourd’hui plus que jamais il «délègue» aux maires les «em…» comme les chantait Charles Aznavour: les questions de sécurité, bien sûr – on y revient, débat inépuisable… –, mais aussi l’abandon de migrants cantonnés à des taudis.
La métropole n’est pas tout. La journaliste Claire Lelong a choisi la commune de La Chapelle-Launay, entre Nantes et Saint-Nazaire, pour raconter le quotidien et les aléas d’un maire de petite ville, Jacques Dalibert, qui a choisi de ne pas se représenter. Enfin, retour à l’histoire, avec une contribution de l’universitaire Christophe Batardy qui s’est penché sur la fin de la Troisième force à Nantes lors des municipales de 1977, qui virent l’élection d’un maire socialiste, Alain Chénard. Une Troisième force qui voyait siéger ensemble dans la majorité municipale élus de droite et de gauche, un «
en même temps» de l’après-guerre. n


1. Il s’agit, alors que ce numéro est bouclé, de Johanna Rolland pour le Parti socialiste, candidate à sa succession et qui réunit une coalition de gauche et citoyenne; Laurence Garnier, vice-présidente Les Républicains de la Région et leader de l’opposition municipale à Nantes, qui a reçu le soutien de figures de la droite (comme Valérie Pécresse); Julie Laernoes, élue à Nantes et vice-présidente de Nantes Métropole, qui porte la candidature d’Europe Écologie Les Verts; Valérie Oppelt, députée de Loire-Atlantique, pour La République en Marche alliée au Modem et à Agir (la «droite constructive»); et, enfin, de Margot Medkour, proche de La France insoumise, pour Nantes en commun, qui se présente comme une liste citoyenne.