mai-juin 2016

Stacks Image 68834

etoile_anim

Suivez-nous :

Stacks Image 68846
Stacks Image 68848
édito
NDDL : la déflagration permanente


NDDL. Quatre lettres qui claquent, se sont imposées et nous somment de prendre parti, « pour » ou « contre » puisque l’incertitude ne saurait être recevable dans ce dossier. Quatre lettres qui transforment un bourg en symbole de luttes multiples – contre le transfert de l’aéroport, contre le bétonnage des campagnes, contre les multinationales, contre l’État… Pourquoi et comment en sommes-nous arrivés là, à faire de Notre-Dame-des-Landes une déflagration permanente.

Un règlement pacifié, apaisé, de la question du transfert de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes est-il encore envisageable? Pas si sûr, tant est grande l’impression qu’à chaque revirement sur ce dossier – et l’annonce du référendum par le président de la République en février en fut un de taille, l’illusion d’une porte de sortie qui ne satisfait finalement aucune des parties –, les oppositions se cristallisent encore un peu plus, chaque camp se raidit et les arguments ne sont plus discutés, remplacés de part et d’autre par des slogans.

Pourquoi et comment en est-on arrivé à ce qui ressemble fort à un point de non-retour
? Comment le dossier somme toute «banal» à l’échelle de la gestion des affaires courantes de l’État de transfert d’un aéroport d’une ville à la campagne proche s’est-il transformé en «icône» de la contestation des grands projets d’infrastructure et d’aménagement? Comment a-t-on pu glisser d’une «Zone d’aménagement différée» à une «Zone à défendre», mère de toutes les Zad qui naissent ici et là, se dotant au passage d’une dimension internationale. Bref, pourquoi tant de bruit autour de NDDL?

La première réponse nous est apportée par Thierry Guidet, le fondateur de la revue, qui suit le dossier de l’aéroport et en pratique les interlocuteurs, tant chez les porteurs du projet que chez les opposants historiques, depuis des années
: la querelle de Notre-Dame-des-Landes, c’est d’abord la collision de deux imaginaires qui peuvent difficilement se retrouver. Un choc assourdissant qui porte sur au moins quatre terrains: l’avenir de l’Ouest, le modèle du développement économique, la place donnée à l’agriculture et, enfin, la confiance accordée aux institutions de la République et à leurs représentants. Et le temps n’éteint pas les controverses, au contraire, plus il passe plus le volume en augmente.

Des éléments et les germes de ces imaginaires se retrouvent dans les trois scénarios de l’exercice de prospective auquel la Région s’était livrée sous l’intitulé
Pays de la Loire 2040. Que ce soit le scénario de l’excellence, celui de l’ouverture ou celui de la proximité, ils nous livrent des éclairages sur ce qui se joue autour de Notre-Dame-des-Landes. Les imaginaires ne s’ancrent pas que dans le passé et le présent, ils se nourrissent aussi de l’avenir.

La bataille de l’aéroport suscite une production éditoriale conséquente, dominée par les opposants. En visitant cette bibliothèque, l’on constate que la querelle ne date pas d’hier puisque le premier ouvrage recensé à propos de Notre-Dame-des-Landes,
Dégage! On aménage, date de… 1976. Soit à peine plus de dix années après que le projet de recherche d’un site pour y implanter le futur aéroport des régions Bretagne et Pays de la Loire a été initié. Depuis, le tempo des publications s’est considérablement accéléré, nourrissant d’abord le récit de la lutte contre le transfert tel que les opposants entendent l’écrire.

Professeur de science politique à l’université de Nantes, Arnauld Leclerc explique la mobilisation contre le projet d’aéroport par «
le modèle autoritaire de fabrication de l’action publique» développé par les porteurs du projet. Un «modèle» daté, obsolète, à l’opposé des attentes de la société, et qui alimente le ressentiment vis-à-vis de la classe politique.

Si le bruit persiste encore autour de Notre-Dame-des-Landes, cela s’explique également par l’absence de dialogue sur le dossier. Partisans et opposants ne se parlent pas et quand ils s’y essaient, c’est à pas timides et mesurés, comme au début de l’année entre chrétiens «
pro» et «anti» qui se sont enfermés pour dresser l'état des lieux de leurs désaccords.

En tout état de cause, la consultation annoncée pour ce mois de juin – fragilisée par des incertitudes juridiques – n’apaisera certainement pas les esprits. Elle ne fait même qu’ajouter du bruit au bruit et instiller un débat sur le débat. Le politiste Goulven Boudic, membre du comité de rédaction de
Place publique, souligne le risque d’instrumentalisation: et si, au final, cet appel au vote n’était qu’un moyen pour le Premier ministre de justifier l’usage de la force pour évacuer la Zad?

La «
Zone à défendre», justement. Quelle est son histoire? Qui y vit? Nous avons voulu en savoir plus. Le chercheur Jean-Michel Fourniau étudie de longue date les conflits d’aménagement et, interrogé par le sociologue Laurent Devisme, il décrypte pour Place publique les ressorts de ces mobilisations, explique les filiations de la Zad de Notre-Dame-des-Landes.

Cette Zad, nous avons aussi souhaité la raconter au plus près, la découvrir. Nous nous y sommes déplacé courant mars et avons longuement rencontré plusieurs zadistes, installés depuis des années maintenant. Nous ne prétendons pas raconter l’Histoire de la Zad, mais bien plutôt les histoires de quelques-uns de ses habitants (et d’une porte de placard
!) qui nous éclairent sur les profils et les motivations d’enfants du siècle, le 21e.

Enseignant et chercheur à l’Université technologique de Compiègne, ayant consacré sa thèse à la Commission nationale du débat public, Clément Mabi surveille avec attention le «
bruit médiatique» généré sur le web et dans les médias par les partis prenantes à la querelle de Notre-Dame-des-Landes. Ce «bruit», il l’analyse et revient sur le débat public tenu autour du projet, ce qu’il a été et ce qu’il aurait pu être.

Enfin, Nicolas de La Casinière, qui ne fait pas mystère de son engagement contre le projet d’aéroport, nous propose son traditionnel dessin commenté – ou commentaire illustré – sur les cartes en circulation à Notre-Dame-des-Landes. La dernière produite étant une carte de la Zad se revendiquant poétique qu'il nous fait découvrir sous l'intitulé
: «Un, deux, trois, carte».