novembre-décembre 2015

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édito
Capitale, un bien grand mot

Quels rapports la capitale des Pays de la Loire, chef-lieu de Loire-Atlantique et métropole nantaise entretient-elle avec sa région et au-delà ? La place de Nantes et son influence passées au tamis de multiples regards.

Le bandeau qui illustre la couverture de ce numéro #54 de Place publique Nantes/Saint-Nazaire se compose d’un drapeau, souvent méconnu, celui de la Région des Pays de la Loire, et d’une carte comme celles que l’instituteur qui portait encore la blouse accrochait au tableau noir. Nantes y domine ses voisines (Angers, Rennes, LeMans, Tours…), au moins par le choix de la typographie.

Alors que les électeurs sont appelés aux urnes les 6 et 13
décembre pour élire un nouveau conseil régional, nous avons choisi de questionner Nantes, la place de la métropole Nantes/Saint-Nazaire dans son environnement immédiat et plus lointain, en nous interrogeant: de quoi Nantes est-elle la capitale? Il y a bien sûr un peu de malice derrière cette question et d’ailleurs, le géographe Martin Vanier nous avoue sa perplexité dès l’ouverture du dossier. Pour lui, la position de capitale, de ville qui domine, née de l’aménagement du territoire tel qu’il fut pensé dans l’après-guerre, ne correspond plus aux réalités urbaines d’aujourd’hui. Il en profite au passage pour tailler en pièces un dogme né voilà trente ans avec la décentralisation, celui des territoires, mis à mal par les organisations en réseaux et la fluidité des échanges.

Une incursion dans l’Histoire et un détour par les notions d’espace administré et d’espace vécu, avec les historiens Alain Croix et Didier Guyvarc’h, montrent combien le statut de Nantes a fluctué et ses frontières administratives se sont avérées mouvantes, du duché de Bretagne jusque récemment. Un point de repère quand même, fort de deux siècles et installé, grosso modo, dans les limites du département
: Nantes rayonne sur… le Pays nantais.

Construire les Pays de Loire, en 1972, n’allait donc pas de soi, d’autant que longtemps Angers, idéalement située au carrefour de la région, a contesté le leadership régional de Nantes, explique le géographe Jean-Pierre Branchereau. Puis, avec le temps et les équipements, la région s’est structurée autour des voies de communication
: autoroute Nantes-Angers, TGV, TER…

Aujourd’hui, dans ses échanges (humains, financiers, économiques…) avec les autres villes, la métropole nantaise déborde largement de l’aire régionale. Cartes à l’appui, l’Agence d’urbanisme de la région nantaise montre que les liens ne cessent de s’affirmer au sein du pôle métropolitain Loire-Bretagne qui regroupe Angers, Brest, Nantes, Rennes et Saint-Nazaire. Avec, pour Nantes, un bémol puisqu’elle reste, en matière de flux de salaires, très dépendante de Paris et semble peu concernée par les autres métropoles françaises.

À ce propos, et c’est là tout le charme d’un dossier où l’on réunit des analyses en provenance de divers horizons, l’expertise de l’un peut ne pas être totalement partagée par l’autre. Ainsi, dans la dernière partie du dossier, la géographe Nadine Cattan, qui a mené une étude pour la Datar sur les systèmes urbains et métropolitains, affirme que Nantes est connectée à vingt-neuf villes et métropoles françaises. Des liens qu’elle qualifie de «robustes» qui autorisent la métropole à s’afficher en «porte d’entrée à l’échelon national et international».

Une certitude
: les cartes réalisée par la direction prospective du Département témoignent de l’assise… départementale de la métropole; une forme de clin d’œil à l’Histoire et à Nantes capitale du Pays nantais! Elles nous disent également qu’il fait bon vivre en Loire-Atlantique: un retraité sur deux quittant la métropole s’installe dans une autre commune du département. Un pourcentage bien supérieur à celui des autres métropoles françaises. Quelques-uns choisissent cependant de s’installer – un peu – plus au sud. Le géographe Jean Renard précise l’intensité des liens avec la Vendée, aimantée par Nantes.

Le politologue Goulven Boudic jette un regard rétrospectif sur la décentralisation en Pays de la Loire, analyse la relation entre Nantes et la Région et les liens noués avec Rennes. Il interroge un avenir très proche – et nous aurons le début de la réponse en décembre
: quid du «couple» métropole-région dont la loi réorganise les compétences? Avec un paramètre supplémentaire en Pays de la Loire: quelle majorité sortira des urnes après onze années de présidence socialiste; comment s’organisera le dialogue entre la Région et Nantes si alternance il y a?

Nantes sait se faire remarquer. Elle collectionne les labels, les titres et les honneurs qui fabriquent de l’image. Le sociologue Renaud Epstein les recense, explique en quoi ils servent l’attractivité et raconte le savoir-faire nantais en la matière.

Le redécoupage des régions a fait les gros titres en 2014. Les Pays de la Loire et la Loire-Atlantique se sont retrouvés au cœur d’un «
mercato territorial» que Thierry Guidet détaille: rattachement du département à la Bretagne, fusion de la région avec Poitou-Charentes, création d’une région Grand Ouest associant Pays de la Loire et Bretagne (posant au passage la question de la capitale qu’il aurait alors fallu désigner, que nous illustrons avec le cas de Toulouse et Montpellier)… Pour finalement ne rien changer.

Tant comme Premier ministre que comme député, Jean-Marc Ayrault n’a jamais souhaité que les cartes des régions soient rebattues. S’il s’est toujours montré (relativement) discret sur ce nouvel acte de la réforme territoriale, le député de Loire-Atlantique est sorti de sa réserve pour
Place publique. Il nous a reçu, serein et tranquille, dans sa permanence de Preux à Saint-Herblain. La réduction du nombre de régions? Il «trouve ça un peu artificiel» et craint pour la gouvernance de régions immenses où les administrations seront saupoudrées. C’est dit et c’est la première fois.

Place publique a sollicité plusieurs universitaires que leurs travaux ont conduit à Nantes. Comparaison avec Bordeaux, intensité des relations avec les autres métropoles françaises, coopération ou compétition avec Rennes… Autant de regards, parfois rudes, sur la métropole et son rayonnement. Des pistes aussi pour demain.

Notre dossier se termine sur un texte nourri de faits, mais à lire au second degré
: l’historien Alain Croix s’est glissé dans la peau de Rennais sollicitant le rattachement… aux Pays de la Loire et à leur capitale nantaise! Et parmi nombre de points communs, les deux villes se sont débarrassées de leur cours d’eau dans leur centre. Rennes a couvert, Nantes a comblé.

Alors, de quoi Nantes est-elle la capitale
?