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Place publique #4
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Dossier :
Île de nantes : une ville se construit sous nos yeux


À l’ouest de l’île, un campus d’un nouveau style

Texte > Pierre-Jean Galdin

Résumé > Plus de 2 500 étudiants, 200 enseignants et chercheurs. Un campus d’un nouveau genre est en train de s’implanter autour du site Alstom. L’ambition consiste à substituer l’industrie culturelle à l’industrie traditionnelle dont l’île était l’un des bastions. L’art, la science, la formation, l’action culturelle devraient s’y féconder mutuellement et améliorer la visibilité internationale de la métropole.


La halle 5 (H5) du site Alstom de l’Île de Nantes, découverte par les Nantais lors de l’exposition des Machines, sera au carrefour du regroupement des forces créatives de la métropole. La construction de l’École nationale d’architecture de Nantes, quai François-Mitterrand aux côtés du nouveau palais de justice, a lancé le mouvement. Aujourd’hui avance le projet d’implanter, autour du site Alstom, les grands établissements de formation et d’enseignement artistique sous tutelle du ministère de la Culture, des formations culturelles et artistiques de l’université de Nantes ainsi que des établissements privés. C’est plus de 2 500 étudiants et 200 chercheurs qui rejoindront les équipements culturels de l’Île de Nantes comme la Fabrique, les Machines , l’université permanente et le pôle de vie et de création du Hangar à bananes. Ce projet vise à transformer l’énergie créative de Nantes en un regroupement porteur de développement et de création de nouvelles richesses. Déjà des entreprises significatives du secteur (communication et design) ont pris l’engagement de s’implanter au cœur de ce pôle sur 11 000 mètres carrés aux côtés d’un pôle médias qui encadrera le site sur près de 10 000 mètres carrés.
Ce nouveau quartier fera voisiner cinq domaines des industries créatives : la communication (imprimée et le livre, la communication audiovisuelle, la création numérique et le multimédia), l’architecture, le design d’objets et d’espaces, les arts de la scène, les arts visuels. Ces compétences et ces outils forment un secteur très dynamique de l’économie. Ils sont au fondement du développement d’une agglomération qui se positionne dans une économie internationalisée.

Quels sont les arguments en faveur de ce projet ?
L’ambition est de transformer la notoriété de l’action culturelle nantaise en force de développement économique. Il s’agit de prendre appui sur le socle des enseignements artistiques. La qualité reconnue nationalement de nos grands établissements va permettre de développer des mutualisations pour donner une force nouvelle à la recherche, appuyer les dispositifs d’accompagnement économique, acquérir une visibilité internationale, offrir un nouveau cadre urbain à la médiation et enfin transmettre et apprendre tout au long de la vie.
Les conditions de la réussite de ce projet reposent sur une nouvelle définition des politiques publiques pour l’art et la culture, sur des choix stratégiques clairs de développement économique, sur une pensée articulée entre le cluster 1 et le projet urbain, particulièrement dans le domaine de la médiation.

La recherche et la culture
Introduire le terme de la recherche dans les domaines de la création artistique peut paraître une provocation au regard du sens commun qui tend à affirmer que faire art c’est faire recherche. Ce n’est pas ici le lieu de développer cette question, cependant, avant de dresser les champs d’application de la recherche du projet de l’Île de Nantes, il est nécessaire de poser des éléments de réponses. Pour aller vite, nos politiques publiques ont pensé l’art et la culture avec une vision binaire : arbitrage entre création et diffusion. En introduisant la recherche dans le débat nous instaurons une dynamique de mouvement entre trois termes : la recherche, les publics et les marchés, trois instances de validation, de débat, de contre-pouvoir. Donner un sens et des moyens à chacun des termes du champ transformera en profondeur l’action publique et les acteurs de l’art. Le laboratoire culturel nantais permet de poser avec pertinence ces questions et d’expérimenter à la bonne échelle cette refondation. Cette redistribution des rôles et des moyens est le socle du projet de l’Île : donner des moyens à la recherche pour créer des liens nouveaux avec les publics et avec les marchés.
Les champs d’application de la recherche à privilégier se situent incontestablement dans le domaine des matériaux. Le potentiel de savoir-faire et d’inventivité dans les entreprises régionales et particulièrement dans les bassins industriels de Saint-Nazaire, de la Vendée et du Choletais, est extrêmement riche pour des expérimentations et des transferts de projet avec les artistes et les créateurs.
Deuxième champ de recherche : les outils de la représentation et de la communication. Un champ à coupler aux questions des droits d’auteurs et de la propriété intellectuelle. Avec la collaboration essentielle de l’université, H5 devra constituer des ressources de compétences, créer et mutualiser des plateformes techniques et enfin réunir des fonds documentaires.

La carte du développement économique durable
L’engagement de tous les acteurs dans ce regroupement fonctionnel est sur ce point crucial. Nous en attendons un effet opérationnel sur le devenir de nos étudiants et auprès des jeunes créateurs qui nous accompagneront : effets sur leur devenir professionnel, sur une meilleure orientation par la création de passerelles entre les disciplines, effets sur leur intégration dans les réseaux.
H5 se situe dans la problématique plus générale de l’économie durable avec un angle affirmé : l’éco-design des usages et des services. La régulation de l’économie de marché passe certainement par la responsabilisation du consommateur. Ce chantier est central pour les industries créatives. C’est en fonction de cela que H5 doit spécialiser ses enseignements, ses recherches et ses contacts internationaux. Il n’est pas utile de spécialiser les sites par des choix de disciplines mais plutôt de permettre la rencontre des différents savoirs dans un engagement et une problématique commune. Le projet urbain et culturel de l’Île de Nantes permet ainsi d’implanter des activités nouvelles au cœur d’un site marqué par l’histoire industrielle.

Le contraire de la culture paillettes
Nantes démontre comment l’articulation entre une politique urbaine et une politique culturelle est porteuse de dynamique et d’enchantement.
Le projet d’aménagement urbain de l’ouest de l’Île de Nantes est attentif. Par touches successives, il rythme un environnement qui semble trouver tout de suite sa vie. Le regroupement des établissements se fera dans cette fluidité. Il privilégie la notion de quartier, de croisements et de rencontres facilitées mais non imposées. Il mêle les usages et multiplie les combinatoires des collaborations.
Un quartier ouvert sur la ville : c’est une des réponses inventées à Nantes pour refaire la ville et la révéler par l’innovation artistique. C’est le contraire de la culture paillettes. L’événement provient d’une étonnante complicité avec le travail continu du chantier urbain. Le public ne s’y trompe pas en portant un regard bienveillant sur des objets qu’il n’aurait pas vus dans un autre contexte.
H5 va donc activer ce quartier ouvert sur la ville, tourné vers tous les publics. Il sera le laboratoire d’une nouvelle dynamique entre la recherche, l’économie et le grand public. Il tentera de poursuivre une tradition nantaise de dialogue entre l’intelligence des créateurs et l’intelligence. L’art et la science s’y croiseront puisque l’art est capable de donner à la culture scientifique et technique une visibilité nouvelle.
La nécessité de se regrouper pour agir à l’échelle internationale est une conclusion naturelle H5 offrira des conditions d’accueil et de production permettant de se connecter à toutes les énergies émergentes du monde. Les établissements nantais mènent déjà une action significative au plan international. Il faudra pourtant faire un saut quantitatif et qualitatif bien au delà des marges de progression habituelles. L’ambition internationale est donc un choix stratégique de positionnement ; elle sera aussi un curseur de l’évaluation du projet. La biennale de l’estuaire préfigure cette ambition et progressivement jusqu’en 2011 étalonnera ce territoire à la bonne échelle. Souhaitons que la troisième édition d’Estuaire accompagne l’inauguration du campus de l’île de Nantes : la fête sera belle.


1. Les clusters, un terme anglais qui se traduit littéralement par grappes sont des ensembles d’entreprises, d’institutions, d’individus dont le regroupement sur un site ou le fonctionnement en réseaux sont censés développer l’inventivité collective.