Hiver 2021

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édito
Ces chercheurs qui inventent demain

L’avènement des start-up, ces jeunes pousses du monde de l’entreprise qui prennent toute la lumière, nous ferait presque oublier que souvent, en amont, des chercheurs ont avancé dans leur laboratoire, cherchant à vérifier – ou à invalider, car la recherche consiste aussi à fermer des portes – une intuition ou telle hypothèse résultant de travaux précédents. Ces chercheurs, nous sommes allés à leur rencontre pour les écouter, qu’ils nous racontent leur parcours parfois surprenant, le cheminement de leur recherche, leur passage – pour quelques-uns – à l’entreprise, suivant en cela la trajectoire qui mène à l’industrialisation d’une innovation.

La science est malmenée et le (long) épisode de la pandémie de Covid-19 n’y est pas pour rien. Et pourtant, où en serions-nous face à ce virus et à ses mutations sans la science qui a permis, en quelques mois, de mettre au point des vaccins empêchant de développer des formes graves de la maladie? D’autres, comme Odile Duvaux, la fondatrice de la biotech nantaise Xenothera, ont pris le parti de se mettre en quête d’un traitement du Covid-19, sur la base d’anticorps polyclonaux mieux adaptés aux variants qui se succèdent. À la fois posée et énergique, elle a retracé pour Place publique son itinéraire: élève brillante, chercheur à l’Institut Pasteur, puis le choix de la grande distribution dans le Nord de la France et du conseil, avant la création de Xenothera. Avec, dès 2015, un peu plus qu’une intuition, une certitude presque: il faut s’intéresser à la famille des coronavirus…

Elles ont trois milliards d’années, les microalgues. Ces minuscules organismes vivants peuvent nous nourrir – grâce à une de leurs «
stars», la spiruline –, soulager l’organisme entre deux phases du traitement d’un cancer, servir de liant pour un nouveau type de bitume, permettre de fabriquer des objets en bioplastique, alimenter en carburant propre un moteur d’avion, recycler les effluents industriels… Et Saint-Nazaire s’est installée depuis quelques années comme la capitale européenne de la recherche et du développement en matière de microalgues avec la plateforme Algosolis, financée par la puissance publique et portée par Nantes université, le CNRS, l’Institut Mines-Télécom Atlantique et l’école d’ingénieurs Oniris. Ici, les chercheurs disposent de tous les outils pour vérifier le potentiel des microalgues et progresser vers la mise en production, avec le soutien de financements privés. Le cercle vertueux de l’innovation.

À Saint-Herblain, le cyclotron du Groupement d’intérêt public Arronax produit depuis 2008 des radionucléides – soit «
des noyaux atomiques instables» – utilisés pour le diagnostic et le traitement des cancers. Une référence internationale en matière de médecine nucléaire qui a demandé une longue mobilisation des pouvoirs publics pour aboutir à sa création. Son directeur, le Pr Ferid Haddad, détaille le fonctionnement du cyclotron qui nécessite aussi de trouver un juste équilibre entre la production des radionucléides et la recherche.

MyScript est une start-up qui a réussi, très bien même. Créée à Nantes à la fin des années 1990, ses technologies de reconnaissance de l’écriture manuscrite sur écran équipent des dizaines de millions de smartphones et de tablettes, dans près de 70 langues, au point d’en faire le leader mondial. Cette réussite discrète est née de premiers échanges, lors d’un colloque organisé à l’université de Nantes, entre des chercheurs nantais et un scientifique participant à ce rendez-vous, à l’esprit d’entreprise affirmé. La présence de l’Atlantique à proximité a fait le reste.

La maison témoin construite par une imprimante 3D dans le quartier de La Bottière à Nantes a passé le stade du démonstrateur habité et connaît un début de production
: là encore, la rencontre d’un entrepreneur et du trio de chercheurs à l’origine du projet a été décisive. Ensemble, ils entendent «moderniser le secteur du BTP» et faire reculer le mal-logement. Car l’imprimante 3D permet de bâtir plus vite et moins cher.

La recherche et l’industrie doivent travailler la main dans la main pour toujours mieux innover. Cela semble une évidence, mais ne se concrétise pas toujours. Marie-Pierre Van Hoecke a longtemps conseillé le commissaire à l’information stratégique et à la sécurité économiques au ministère de l’Économie et des Finances. Son constat est rude
: la France perd du terrain dans la compétition scientifique à l’échelle mondiale, mais dans le même temps, elle demeure un des pays où le financement public de la recherche reste élevé. Les mondes de la recherche et de l’entreprise ont tout à gagner en se rapprochant plus systématiquement: «Si une recherche mature avec l’industrie, elle sera diffusée beaucoup plus rapidement.»

Atlanpole, la technopole de Nantes, a 35 ans
: elle repère et accompagne les entreprises innovantes et joue le rôle de trait d’union entre les laboratoires de recherche et le monde économique. Jean-François Balducchi, le délégué général d’Atlanpole, revendique 500 entreprises accompagnées et 30000 emplois créés. Au-delà des chiffres, il explique combien l’écosystème nantais structuré au fil des ans est primordial dans la réussite d’une entreprise: il permet d’identifier des partenaires et des compétences professionnelles, de s’appuyer sur des compétences en recherche pour assurer son développement.

Notre dossier se termine par un entretien avec Miguel Jean, praticien hospitalier au CHU de Nantes et directeur de l’Espace de réflexion éthique des Pays de la Loire. Nous l’avons sollicité pour évoquer la défiance à l’égard de la science et de la médecine alimentée par la crise sanitaire. Il nous livre son point de vue, revenant sur le chemin emprunté par le corps médical pour permettre aux patients d’être mieux accompagnés et pleinement associés aux décisions les concernant. Depuis, le Covid-19 s’est imposé et a bousculé bien des avancées, semant au passage la confusion. Miguel Jean entend bien cependant ne pas renoncer
: pour lui, plus que jamais, le corps médical doit faire de la pédagogie et expliquer.