printemps 2021

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édito
Le médecin et le patient,
le savoir et le consentement

Alors que depuis plus d’une année maintenant, médecins et scientifiques ont pris racine sur les plateaux télévisés – et, d’une chaîne à l’autre, peuvent avancer tout et son contraire à propos de l’épidémie de Covid-19 – le pouvoir du corps médical reste plus que jamais à interroger. Comment à évolué la relation entre le « sachant » qu’est le médecin et le patient en quête de soins et d’explications ? Que peuvent des malades et des proches demandant à identifier les causes d’un agrégat de cancers face à la parole des scientifiques ?

L’obligation de recueil du consentement de son patient par le médecin est désormais inscrite dans la loi et cette évolution a rééquilibré une relation qui, néanmoins, reste fondée sur un rapport que Guillaume Durand, maître de conférences en philosophie et responsable du master éthique de l’université de Nantes, qualifie d’« asymétrique ». Le médecin, et lui seul, sait. Le patient, lui, peut discuter, consentir ou refuser, mais il n’est en aucun cas autonome dans sa décision. Un rééquilibrage donc, mais inachevé et de plus ballotté par une « médecine des désirs », que ce soit la volonté d’avoir un enfant, la recherche de la beauté à tout prix ou même le choix de sa fin de vie. Confronté à ces demandes, bousculé même alors que la santé se veut aussi l’accomplissement de chacun, le corps médical rejoint parfois un front du refus aux motivations politiques et/ou religieuses.
Professeur d’hématologie internationalement reconnu, président de la Haute autorité de santé de 2011 à 2016, Jean-Luc Harousseau a aussi dirigé le Centre de lutte contre le cancer René-Gauducheau à Saint-Herblain et cofondé l’Institut de cancérologie de l’Ouest. De ses premières années d’interne à aujourd’hui, il a vu le rapport avec les malades se modifier en profondeur : alors qu’il n’était pas rare dans les années 1970 de ne pas dire toute la vérité à un malade d’un cancer, ce patient est aujourd’hui pleinement informé de l’évolution de la maladie et associé aux choix thérapeutiques proposés par le médecin – dont la réflexion en amont s’opère en équipe. La confiance demeure le socle de la relation entre le médecin et ses malades pour le P
r Harousseau qui se désole de voir aujourd’hui la parole médicale galvaudée sur les antennes de télévision.
Le regroupement de cas de cancers pédiatriques, dont plusieurs leucémies aigües, dans le pays de Retz, identifiés depuis 2017 autour de Sainte-Pazanne et de communes proches, a semé le doute chez les familles et les proches des jeunes malades – dont certains sont décédés : et si l’environnement de leur lieu de vie pouvait être à l’origine des cancers de ces enfants ? Des experts ont été dépêchés sur place par l’Agence régionale de santé et Santé publique France et une enquête épidémiologique réalisée : ses conclusions ont déçu puisqu’aucune cause commune aux différents cas n’a pu être identifiée et que les milieux de vie des enfants et les sites industriels du secteur ne présentent pas de risque avéré… Le sociologue Marcel Calvez, de l’université Rennes 2, n’a pas été surpris par ces conclusions. Depuis vingt ans qu’il enquête sur les clusters de cancers en France, il ne peut que constater que la parole des experts et celle des habitants restent séparées par un gouffre propice aux controverses. L’universitaire plaide pour une meilleure insertion des habitants dans le processus des investigations scientifiques, ce dès le départ. pour mettre un terme à un « modèle » qui voudrait que les experts savent, alors que les premiers concernés ne savent pas. Le pouvoir scientifique reste une citadelle.
Les indicateurs de la santé de la population de l’agglomération nazairienne se dégradant depuis des années, l’Agence régionale de santé a commandé une étude dont les résultats ont été rendus publics à l’automne 2019 : ils révélaient, entre autres, une inquiétante surmortalité des moins de 65 ans due à des cancers supérieure de 28 % aux chiffres nationaux. Les élus du bassin industriel nazairien ont dû s’emparer du dossier, organiser leur relation avec les services de l’État, écouter les associations mobilisées sur la question de la qualité de l’air, sensibiliser la population… Claude Aufort, le maire de Trignac et vice-président de la Carene, l’agglomération de Saint-Nazaire, explique comment les élus se sont mobilisés dans un secteur où l’industrie reste le poumon économique de Saint-Nazaire.
Un témoignage brut, voici ce que nous propose Gabrielle. Cette Nantaise de 76 ans a été hospitalisée durant de longs mois entre les deux confinements de 2020. Elle a séjourné dans plusieurs établissements, dont le CHU de Nantes. Tout en soulignant le dévouement et la gentillesse des personnels, elle garde un souvenir « mitigé » de cette hospitalisation et a dû se débattre avec quelques mensonges et un médecin anesthésiste ne voulant rien entendre.
Quand la santé mentale vacille et défaille, les équipes des centres médico-psychologiques sont là pour écouter, veiller et soigner. Alors que depuis plus d’une année le Covid-19 a bouleversé nos vies, les plus fragiles et bien d’autres sont gagnés par le désarroi et parfois la détresse – souvent les plus jeunes d’ailleurs : le journaliste Louis Raymond a écouté les personnels du centre Beaumanoir, dans le centre de Nantes, raconter comment ils essaient de faire face, de suivre « leurs » patients et d’accueillir les nouveaux, cette « vague » qui grossit alors que la crise sanitaire s’éternise.
Le pouvoir médical, c’est aussi celui d’améliorer la prise en charge de patients jusqu’alors exclus du circuit de santé « classique » : depuis 2017, en liaison avec le CHU de Nantes, la clinique Jules-Verne organise un accueil et un suivi spécifiques pour les malades en situation de handicap, présentant par exemple des troubles du spectre de l’autisme ou des trisomies. Le D
r Jean-Marc Chirol, une des chevilles ouvrières de cet accompagnement, en précise les enjeux pour des patients qui, souvent, éprouvent des difficultés à communiquer.
À l’horizon 2026, le CHU doit être transféré sur l’île de Nantes, sur le site qui accueillait le Marché d’intérêt national (lui-même déplacé à Rezé). Une coalition d’opposants – qui, pour la politique, court de La France insoumise aux Républicains – milite pour que le projet soit abandonné, soulignant le risque d’inondation de l’île de Nantes et un futur établissement sous-dimensionné tant en nombre de lits que pour les personnels. Nous revenons sur la naissance de ce projet et la décision du transfert sur l’île de Nantes avec Christiane Coudrier, qui fut directeur général du CHU Nantes de 2008 à 2014 et a piloté le dossier.
Enfin, l’Agence d’urbanisme de la région de Saint-Nazaire (Addrn) montre combien aménager un site hospitalier ou relocaliser un hôpital ou des établissements médicaux dans une ville moyenne consiste aussi à fabriquer la ville. D’autant que les centres hospitaliers sont aussi pourvoyeurs de nombreux emplois et, souvent, propriétaires de vastes emprises foncières. Exemples à Saint-Nazaire, Redon et Saint-Brévin avec Élodie Lamouroux et Pierre Vionnet, de l’Addrn.