janvier-février 2016

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édito

Un tour de passerelle

Signée de l’architecte Rudy Ricciotti, la passerelle de la future gare de Nantes ne passera pas inaperçue, habillée de maille ajourée, point de vue sur la ville. Le cœur d’une opération urbaine d’ampleur qui voit ses quartiers nord et sud réaménagés en deux temps.

Ce n’était pas un concours d’architecture stricto sensu. Mais il y avait sélection et donc un «comité de sélection» pour se prononcer, composé des représentants des partenaires du projet – Sncf, Nantes Métropole, Région… Certains, dit-on en chuchotant, auraient préféré la passerelle aux lignes épurées de Marc Barani, l’autre finaliste, déjà auteur du pont Éric-Tabarly, ce passeur de Loire entre l’Île de Nantes et le quartier Malakoff. S’il avait décroché la réalisation de la passerelle qui donnera une seconde jeunesse et peut-être même une inspiration à la gare de Nantes, Marc Barani aurait alors signé deux des «repères» qui encadrent l’ambitieuse opération d’urbanisme conduite à Malakoff-Pré Gauchet, là où une ville dans la ville sort de terre. Si. Et en définitive, il n’y aura pas de si.

Mais ne mégotons pas
: l’officialisation en octobre dernier du choix de l’architecte et ingénieur Rudy Ricciotti, verbe haut et lyrique à souhait, pour réaliser la passerelle qui mariera les gares nord et sud de Nantes reste une excellente nouvelle pour l’agglomération. Pas seulement parce que la Sncf annonce une gare parfois saturée et que cette «rue-mezzanine» ouverte sur la ville lui donnera de l’air tout en lui faisant prendre de la hauteur. Pas seulement parce que Nantes invite le concepteur du célébré Mucem de Marseille, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Pas seulement parce que la passerelle de Rudy Ricciotti emploiera son matériau fétiche, ce béton fibré à ultra-hautes performances – pas moins, un béton bien dans son époque, quoi! Pas seulement parce que l’architecte installé à Bandol a eu l’intelligence d’embarquer à bord de son projet les Nantais de Forma 6.

Lisez le décryptage de Jean-Louis Violeau, professeur à l’École d’architecture de Paris-Malaquais, qui vous emmène découvrir la passerelle conçue par Rudy Ricciotti, vous détaille sa démarche et fait parler ses «
associés» nantais: en 2019, au moment de la livraison, Nantes accueillera tout simplement un geste architectural fort et beau. Stéphanie Dommange, la directrice régionale de la Sncf, ne dit pas autre chose, qui évoque «une empreinte dans la ville».

Car, de fait, la passerelle déborde largement de la seule gare et l’enjeu demeure majeur pour Nantes Métropole
: au nord d’abord, puis au sud ensuite, les quartiers en prise directe avec la gare seront remaniés en profondeur. Professeur en sciences sociales à l’École d’architecture de Nantes, Laurent Devisme s’y est promené pour comprendre ce qui se joue.

La fonction première d’une gare, c’est de monter dans un train ou d’en descendre. La sociologue Élisabeth Pasquier, elle aussi de l’École d’architecture de Nantes, a emprunté la ligne régionale Nantes-Pornic pour les besoins d’une recherche et s’est intéressée aux dix gares qui la jalonnent. Elle en a rapporté un livre,
La Passagère du TER (Joca Seria, 2016), récit de voyage au présent de l’indicatif dont nous publions de larges extraits.

La gare de Rennes se prépare à accueillir la Ligne à grande à vitesse qui mettra en 2017 la ville à moins d’une heure et demie de Paris. Xavier Debontride, rédacteur en chef de
Place publique Rennes/Saint-Malo, explore les changements que cela implique pour la gare qui attend une fréquentation quotidienne doublée en 2018 par rapport à 2013, avec 128000 voyageurs et utilisateurs.

La passerelle que lancera Rudy Ricciotti au-dessus des voies ferrées nous renvoie aussi à l’histoire du rail à Nantes. André Péron nous la raconte
: l’irruption du chemin de fer «cisaille» la ville d’est en ouest. Les trains et les tramways encombrent les quais. La circulation se transforme «en vrai cauchemar». Ce n’est qu’en 1955 que le tunnel qu’utilisent toujours aujourd’hui les trains pour traverser le centre-ville est inauguré. La ligne de Nantes est prolongée jusqu’à Saint-Nazaire, gare terminus, en 1857. La gare y jouxte alors le quai d’embarquement pour les paquebots en partance vers le Mexique et Cuba. Et si la gare émerge des ruines de la ville à la fin de la Seconde Guerre, elle est «remplacée» par une nouvelle gare à l’entrée nord de la ville dans les années cinquante. Elle ne se remettra pas de ce déclassement, jusqu’à la réhabilitation de ses vestiges pour la transformer en théâtre.

Dans un texte écrit pour ce numéro, le philosophe et poète Jean-Claude Pinson part sur les traces de l’imaginaire des gares, entre souvenirs personnels et poésie ferroviaire. Enfin, pour clore ce dossier, nous avons fait le choix d’un pas de côté, d’un voyage dans plusieurs gares européennes inscrites dans des projets urbains, puis d’un grand bond jusqu’en Chine, sous la conduite de Cristiana Mazzoni, professeur à l’École d’architecture de Strasbourg, et de trois de ses doctorants.

Ce numéro de
Place publique Nantes/Saint-Nazaire comporte un second dossier, en fin de revue, consacré à l’après-débat «Nantes, la Loire et nous». Alors que Johanna Rolland, a annoncé courant décembre ses trente choix et engagements pour le fleuve et la métropole, nous avons choisi de porter deux regards sur cette inédite séquence de démocratie participative nantaise – appelée à se répéter. Ce que nous avons nommé «la méthode en débat» en couverture de ce numéro.

D’abord un regard de l’intérieur, puisque Paul Cloutour, membre de notre comité de rédaction, était aussi un des concepteurs et organisateurs de ce débat pour Nantes Métropole. Ensuite, le regard d’un participant actif et engagé, celui de Jean-Claude Charrier, membre du Conseil de développement et militant du pont transbordeur, qui ne raconte pas tout à fait la même histoire. Deux points de vue et un débat sur le débat en quelque sorte.
Place publique est là pour ça.

Nous sommes là aussi pour, aussi souvent que possible, jouer le décalage, montrer comment ça se passe ailleurs. Il ne s’agit pas forcément de comparer, mais d’éclairer les évolutions de la métropole Nantes/Saint-Nazaire. Vous lirez donc un article en provenance de Marseille qui raconte comment l’architecte nantais Paul Poirier s’y prend pour, à défaut de convaincre à Nantes, essayer d’imposer son projet de pont transbordeur à l’entrée du Vieux-Port.

Nous terminons ce dossier avec un long texte de Martine Staebler qui fut longtemps directrice du Groupement d’intérêt public Loire Estuaire – et, accessoirement, vice-présidente de la commission du débat sur la Loire –, initiatrice d’une pétition pour sauver cette structure fragilisée par le désengagement financier de l’État. Or, créé voilà dix-sept ans alors que les indicateurs de l’état de santé de l’estuaire avaient tous viré au rouge, Loire Estuaire accumule et diffuse la connaissance sur le fleuve afin que les décisions soient prises pour le préserver. Si le gardien de l’estuaire se découvre mal en point, qui veillera sur la Loire
?

Un dernier mot, la période étant propice aux vœux,
Place publique Nantes/Saint-Nazaire vous souhaite une belle année 2016!