septembre-octobre 2015

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édito
Ici et maintenant
La transition énergétique est un bouleversement planétaire. Ce qui ne l’empêche pas de se préparer et d’avoir des répercussions localement et sans attendre…

Les raisons de consacrer un dossier à la transition énergétique ne manquent pas.

L’actualité d’abord. Avec la conférence sur le climat, la COP 21, qui se déroulera à Paris à la fin de cette année. Mais aussi le «
grand débat» sur la transition énergétique qui sera lancé à Nantes l’an prochain, à la manière de celui qui s’est déroulé cette année sur la Loire.

Les particularités de Nantes/Saint-Nazaire ensuite. Rappelons que 10
% de l’approvisionnement énergétique de la France transite par l’estuaire; que plus des deux tiers du trafic du Grand Port maritime sont constitués de pétrole, de gaz, de charbon; que la Basse-Loire est en pointe en matière d’énergies nouvelles, notamment les énergies marines renouvelables; que les Pays de la Loire sont une région dynamique aux plans économique et démographique où la consommation d’énergie continue de croître plus qu’ailleurs.

La question – mondiale – de la transition énergétique se pose donc localement en des termes singuliers. C’est l’angle de ce dossier
: examiner comment des bouleversements planétaires ont des répercussions locales, comment des politiques mises en œuvre localement peuvent avoir des effets globalement. Ici et maintenant.

Mais qu’est-ce que la transition énergétique
? Cette question et quelques éléments de réponse constituent le premier volet de ce dossier. Directeur de recherche à l’École des mines, directeur du Collège des transitions sociétales, Bernard Lemoult met en évidence le caractère inéluctable de la tâche qui se présente à nous: les énergies fossiles se raréfient; leur consommation dérègle le climat. Il faut donc changer de modèle de production et de consommation, changer de mode de vie. La transition sera sociétale ou ne sera pas.

Sans doute, tempère Philippe Audic, qui a mené une étude sur l’avenir énergétique des Pays de la Loire pour le Conseil économique, social, environnemental régional. Mais si l’on ne veut pas se payer de mots, force est de constater qu’il faudra encore attendre quelques années pour négocier vraiment le tournant. Le tout-renouvelable n’est pas pour demain
: vers 2030-2040, il est probable que notre consommation restera aux deux tiers fournie par les énergies traditionnelles.

Nous avons ensuite voulu donner un arrière-plan historique à notre actualité. À l’aide d’objets, de tableaux, de photos, l’historien Alain Croix montre comment notre estuaire a déjà vécu bien des transitions énergétiques. Mais que cette cascade de transitions soit vieille comme le monde n’ôte rien de leur urgence à nos tâches actuelles.

Après cet effort d’élucidation, le second volet du dossier s’attache au risque climatique. Christophe Pin, le responsable des centres météo de Nantes et de La Roche-sur-Yon, occupe un excellent poste d’observation. Il constate qu’en un peu plus d’un demi-siècle, Nantes a gagné en moyenne 1
°C. Aux alentours de 2050, nous pourrions connaître le climat actuel du Langedoc-Roussillon et une hausse du niveau de la mer propice aux tempêtes: Xynthia, qui en février2010 a tué 47 personnes en Vendée et en Charente-Maritime, n’est qu’un avertissement.

De manière sans doute plus anecdotique – quoique… – le géographe Hervé Quénol s’attache à l’influence du climat sur la vigne. Pour un vignoble septentrional comme le muscadet, le réchauffement présente plutôt des avantages. Mais jusqu’où
?

Après la campagne, la ville dont on sait qu’elle est la première affectée par le réchauffement. Sa minéralité, sa densité, la forte consommation d’énergie des logements et des transports
: tout concourt à la création d’îlots de chaleur qui peuvent rendre la vie très inconfortable. Marjorie Musy et Jérémy Bernard, de l’Institut de recherche en sciences et techniques de la ville, montrent comment on s’emploie à Nantes à dresser des cartes climatiques. Elles permettent de mesurer l’efficacité des solutions imaginées pour améliorer le climat urbain: plantations d’arbres, façades et toitures végétales, aménagement de cours d’eau, surfaces enherbées…

La troisième séquence du dossier donne un aperçu des initiatives prises localement et des difficultés à venir. Paul Cloutour décrit la manière dont Nantes Métropole a saisi le problème à bras le corps. L’outil majeur de la collectivité est la création et l’extension de réseaux de chaleur, un chauffage collectif à l’échelle de la ville dont les retombées environnentales et économiques sont loin d’être négligeables.

À côté d’un investissement majeur comme celui-là (100
km de tuyaux!) nous présentons une myriade d’engagements individuels et collectifs, publics et privés un peu partout dans le département. Tous ne présentent pas le même intérêt, mais ils témoignent d’une préoccupation de plus en plus partagée, qu’il s’agisse d’ascenseurs solaires, de composteurs collectifs, de l’installation dans l’agglomération de la direction de la filiale Énergies marines de General Electric, d’entretien des haies ou de recherches scientifiques de pointe…

Quelles conséquences la transition peut-elle avoir sur l’économie locale
? Quel avenir pour le port ou pour la raffinerie de Donges? Qu’attendre de l’éolien off shore ou des micro-algues? Philippe Audic et Benoît Ferrandon, chef de service à la direction prospective du Département, douchent quelques enthousiasmes et combattent quelques idées reçues. Oui, la transition énergétique peut avoir des effets majeurs sur l’emploi en Loire-Atlantique. Mais pas forcément où on l’attend le plus. C’est sur la rénovation de l’habitat et sur un nouveau réseau de transport de l’énergie qu’il faut compter pour espérer créer de nombreux emplois.

Ce dernier point est développé par Didier Bény, le directeur régional de RTE, l’opérateur du réseau de transports de l’électricité en France. Le recours croissant aux énergies renouvelables dont la production est intermittente et difficile à stocker pose en termes nouveaux la question de la «
solidarité électrique», de l’ajustement entre production et consommation. La réponse appartient à des «réseaux intelligents et souples». La recherche est en plein essor y compris localement. Elle prépare les ruptures technologiques du 21e siècle, encore insoupçonnées. n