juillet-août 2014

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édito
Ces villes singulières et ressemblantes
De Toulouse à Caen en passant par Nice, Brest, Lyon, Bordeaux ou Dublin, une promenade dans des villes qui se posent les mêmes questions que Nantes et que Saint-Nazaire. Et y apportent des réponses qui peuvent nous donner des idées.
Les villes sont comme les humains, irréductiblement singulières et, à la fois, étrangement ressemblantes. On s’y dépayse tout en s’y retrouvant. Cet entre-deux fait le charme des voyages.

De quoi fonder aussi le programme que nous avions assigné à Place publique, il y a sept ans et demi, dans le premier éditorial : être une revue de réflexion et de débat sur la métropole Nantes/Saint-Nazaire. Et, par conséquent, aller, « de manière systématique, chercher des contributeurs et des exemples ailleurs, en France et à l'étranger. Sans élargissement des perspectives, impossible de comprendre ce qui se passe sous nos yeux. »
Alors que les équipes municipales viennent largement de se renouveler, le moment n’était pas si mal choisi pour concocter une excursion dans quelques villes qui conduisent des projets, expérimentent des solutions qui pourraient bien nous donner des idées.

Laurent Devisme, directeur de laboratoire à l’École d’architecture de Nantes et membre de notre comité de rédaction, plante le décor. Les modèles circulent de plus en plus d’une ville à l’autre. Au point qu’on a pu parler d’une « ville générique » qui serait la même un peu partout sur la Planète, construite par les mêmes fabricants, promoteurs immobiliers, marchands, élus, techniciens… Il y a du vrai dans ce schéma. Mais la réalité, comme toujours, se montre rétive aux idées simples. En effet, quand une ville importe une solution venue d’ailleurs, elle l’interprète, la traduit, la plie selon ses propres besoins et sa propre histoire. Si bien que la ville unique n’est pas une fatalité.

C’est ce qu’on mesure tout au long du parcours proposé. Après un texte décrivant telle ou telle ville, nous proposons à chaque fois un Et ici ? qui montre bien en quoi l’expérience étrangère nous parle, comment elle résonne familièrement à nos oreilles sans qu’on puisse la copier servilement.
Marie-Christine Jaillet, géographe et présidente du Conseil de développement de Toulouse, évoque la puissance universitaire de sa ville, sans commune mesure avec celle de Nantes. Elle donne à voir et à comprendre un festival profondément original, La Novela, qui vise à diffuser la culture scientifique dans la ville de l’Aérospatiale et de l’aéronautique (comme Nantes/Saint-Nazaire où l’on assemble aussi des Airbus…). Mais voilà – comme c’est étrange – que la ville de Jules Verne caresse à son tour le projet de créer « un pôle de culture scientifique et technique »…

Tout près de chez nous, La Roche-sur-Yon et son austère place Napoléon sont devenues le terrain de jeu de l’urbaniste Alexandre Chemetoff et de François Delarozière, de la compagnie La Machine, qui s’étaient croisés sur l’Île de Nantes. Ils ont peuplé le cœur du chef-lieu de la Vendée d’étranges animaux dans de drôles de bassins. À Nantes, le Grand Éléphant, on connaît déjà. Mais, au moment où l’on songe à redessiner la Petite Hollande, a-t-on assez réfléchi sur la manière dont une place publique n’est qu’une pièce d’un système urbain plus vaste, se demande le sociologue Jean-Louis Violeau.

Lyon redécouvre le Rhône et la Saône comme tant de villes leurs cours d’eau, la Loire et l’Erdre à Nantes. Sur des friches industrielles, qui n’étaient pas d’anciens chantiers navals, Lyon construit un nouveau quartier, Confluence. Voyez avec Marc Dumont, spécialiste d’aménagement urbain, en quoi il ressemble à l’Île de Nantes, en quoi il en diffère.

À Bordeaux, les nouveaux quais forment un merveilleux écrin pour la Garonne. Mais pas seulement. L’urbaniste José Branco montre comment les solutions d’aménagement des rives produisent des effets heureux dans la ville tout entière. À méditer avant d’offrir un nouveau destin au Bas-Chantenay, sur la rive droite de la Loire.

Justement, certains rêvent de relier la butte Sainte-Anne à Rezé par un téléphérique. D’abord moquée, tout comme le projet de transbordeur, l’idée fait maintenant l’objet d’une étude sérieuse. Brest, en tout cas, a fait ce choix dont Claire Guihéneuf, la directrice de l’agence d’urbanisme de la ville finistérienne, décrit l’intérêt. Premier voyage au-dessus de la Penfeld dans deux ans.

Comme Nantes, Nice a décidé de reconstruire l’un de ses hôpitaux en pleine ville. Avec toutes les difficultés mais aussi tous les avantages d’un tel défi que détaille l’architecte azuréen Laurent Hodebert. Là-bas, l’hôpital regardera la Méditerranée ; ici, il sera tourné vers la Loire. Et son architecte – tiens, tiens… – est l’équipe Reichen et Robert qui pourrait bien être retenue ainsi pour le transfert du CHU nantais. Elle fait en tout cas partie des quatre finalistes parmi lesquels un vainqueur sera choisi à la fin de l’année.

Lorient possède sa base de sous-marins léguée par les Allemands, tout comme Saint-Nazaire. Les deux villes ont écarté l’hypothèse de la destruction. Elles ont opté pour des reconversions selon des voies différentes qui contribuent à des projets urbains complexes et concourent au renouvellement de l’image de la ville. L’article de Florence Gourlay, spécialiste de l’aménagement des territoires maritimes, permet de comparer terme à terme les choix lorientais et nazairiens.

Une ville, c’est de l’imaginaire au moins autant que des pierres. Dublin a inventé un événement sans pareil, le Bloomsday, décrit par l’éditeur Bernard Martin : une manière de fêter chaque année un personnage d’Ulysse, le célèbre roman de Joyce. Lectures publiques, flots de bière, foule costumée… Et si l’on s’inspirait de cette fête étrange pour rendre vraiment populaire notre patrimoine littéraire ? Si on lisait du Gracq sur les marchés en sirotant du muscadet ?

La promenade se termine en Normandie, à Caen et sur les plages du Débarquement. Le tourisme mémoriel y connaît un succès que le soixante-dixième anniversaire du D Day vient de confirmer. Ce qui n’empêche pas, nous explique la journaliste Aurélie Lemaître, les élus caennais de s’interroger sur l’image de leur ville. Ici, on a inventé Le Voyage à Nantes pour offrir une réponse aux mêmes questions.
Toutes nos villes respirent le même air du temps.