mars-avril 2011

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Édito : Ma ville demain (suite)
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Suit un regard sur Bordeaux où l’on réfléchit à ce que serait demain « la métropole désirable », où l’on regarde de près ce qui se passe chez les voisines : Toulouse, Bilbao et… Nantes. Cap sur Strasbourg ensuite où on le clame haut et fort : « Demain, c’est tout de suite ! » C’est tout de suite en effet que les Alsaciens jouent à saute-mouton au-dessus de la frontière, embrassent dans leurs projets d’avenir la Sarre, Genève et le Luxembourg.
Évidemment, ce n’est pas d’aujourd’hui que Nantes se projette dans le futur. Au fond, l’histoire de son urbanisme est celle d’une série d’efforts successifs pour donner à la ville la forme jugée désirable pour demain. L’historien de l’architecture Gilles Bienvenu montre comment Nantes a « franchi des vallées, relié des îles, comblé des fossés, conquis des collines, poussé des tentacules, envahi des territoires »… Quand elle se pense aujourd’hui à l’échelle métropolitaine, à la mesure de l’estuaire, elle ne fait que poursuivre un mouvement entamé au Moyen Âge, lorsque la ville est sortie d’elle-même, de son enceinte gallo-romaine pour franchir l’Erdre et gravir le coteau Saint-Nicolas.
Enfin, Philippe Le Pichon revient sur une vigoureuse opération de prospective dont il fut l’un des acteurs. C’était dans la seconde moitié des années 1960, du temps des métropoles d’équilibre, du gaullo-pompidolisme, de l’État tout-puissant, de la voiture reine, de la croyance sans faille aux lendemains qui chantent. Un « schéma d’aménagement de l’aire métropolitaine Nantes/Saint-Nazaire » prétendait tracer la carte de l’avenir. Depuis, le pont de Saint-Nazaire a bien été construit, le périphérique nantais bouclé. Le port a grandi, mais moins que prévu. Aucune pénétrante routière n’a éventré Nantes, c’est une ligne de tramway qu’on a installée sur l’axe prévu. Le centre de gravité de la ville se déplace bien vers ce qu’on n’appelait pas à l’époque l’Île de Nantes…
Dans un contexte économique, politique, institutionnel, idéologique bien différent, ce schéma d’aménagement doit inviter à la modestie. Il doit donner aussi le goût du futur. Demain ressemblera-t-il un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout à ce que nous imaginons aujourd’hui ? Retenons la conclusion de Philippe Le Pichon, citant le philosophe Henri Lefebvre, grand penseur de la ville : « Que personne ne s’arroge le droit de définir le destin de la société en fixant à ses membres les normes de l’habitation et des modalités de l’habiter. L’invention et la découverte doivent rester possibles. La demeure est un lieu ouvert. »
Ma vi(ll)e demain sous le double patronage de saint Augustin et d’Henri Lefebvre… Il y pires parrains !