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Place publique #4
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Dossier :
Île de nantes : une ville se construit sous nos yeux


Les promoteurs immobiliers deviennent
des « ensembliers urbains »


Résumé > Nexity, le plus gros promoteur immobilier de France, joue évidemment un rôle important sur l’Île de Nantes, en ajoutant une corde à son arc. Le promoteur se fait « ensemblier urbain », intervenant très en amont dans la conception de ce morceau de ville qui renaît sous nos yeux. Les rapports traditionnels entre la puissance publique et les investisseurs privés s’en trouvent sensiblement modifiés.


PLACE PUBLIQUE > Pourquoi un géant de l’immobilier comme Nexity ne se contente-t-il pas de faire son métier ?
JEAN-LUC POIDEVIN > Nexity est en effet le leader de l’immobilier en France. Avec un chiffre d’affaires d’1,9 milliard en 2006, c’est l’un des deux groupes du secteur à être cotés en Bourse… Si Nexity a créé Villes & Projets en 2004, c’était pour répondre à un besoin des collectivités, pour les accompagner dans leur développement territorial.

PLACE PUBLIQUE > Qu’est-ce qui vous fait croire que les collectivités locales ont besoin d’un tel soutien des investisseurs privés ?
JEAN-LUC POIDEVIN > Les chiffres. Rien qu’en Île-de-France, sur 760 Zac (zones d’aménagement concertées), seules 121 sont actuellement mises en œuvre. À la suite de la crise qu’a connue l’immobilier dans les années 1990, il existe aujourd’hui un déficit d’ingénierie qui frappe aussi la fonction publique territoriale. Et puis tout s’est tellement complexifié… En raison de notre taille et de nos compétences, nous sommes un acteur utile du développement urbain. En deux ans, on nous a confié la réalisation d’un million de mètres carrés. C’est bien la marque d’un besoin.

PLACE PUBLIQUE > Concrètement, sur l’Île de Nantes, en quoi consiste votre intervention ?
JEAN-LUC POIDEVIN > Nous intervenons sur le site de l’ancien Tripode. Sur cette assiette foncière vont cohabiter une multiplicité de produits différents : des bureaux, des logements, des commerces, un hôtel, un parking, un jardin… C’est un quartier entier, pas seulement un projet immobilier. Eh bien, nous, nous pilotons cette complexité. Nous coordonnons l’ensemble des acteurs, nous sommes en interface avec la Samoa, la société d’économie mixte chargée d’aménager l’Île de Nantes, qui dès lors n’a plus affaire qu’à un seul interlocuteur. Nous sommes un ensemblier urbain, c’est-à-dire que nous fabriquons de la ville ensemble, avec la puissance publique et des investisseurs privés.

PLACE PUBLIQUE > Ce qui signifie que vous intervenez très en amont des projets de renouvellement urbain…
JEAN-LUC POIDEVIN > Oui, nous avons travaillé sur la conception de tout ce quartier et nous avons participé au choix de l’architecte, Christian de Portzamparc.

PLACE PUBLIQUE > Pourquoi ce choix ?
JEAN-LUC POIDEVIN > Parce que le génie de Portzamparc, c’est de savoir fragmenter l’espace. Nous avons un socle, une vaste dalle où tout le monde va se singulariser : le commerce de pied de rue et la moyenne surface, l’hôtel et l’appartement. Et le tout dans un nœud d’échanges, à deux pas du TGV et de la Loire. C’est là que nous allons tricoter du territoire.

PLACE PUBLIQUE > Cette implication du privé là où on s’était habitué à voir la puissance publique décider de tout pose des questions politiques…
JEAN-LUC POIDEVIN > Évidemment. C’est assez nouveau en France, mais beaucoup moins dans le reste de l’Europe. Il faut arrêter de penser que le public ne fait que de la qualité et que le privé ne pense qu’au fric. Moi, je connais bien les deux mondes : avant Nexity Villes & Projets, je dirigeais un établissement public d’aménagement. Il est normal que le public impulse les politiques, mais il a besoin du relais du privé, de plus en plus tôt, et pas seulement pour des raisons financières. Il faut additionner les savoir-faire.

PLACE PUBLIQUE > Très bien. Mais vous n’investissez que dans des endroits où vous êtes à peu près sûrs de gagner de l’argent…
JEAN-LUC POIDEVIN > Pour le public, la sanction est politique : être ou non réélu. Pour le privé, la sanction est financière : rentabiliser ou non l’argent investi. Nous obéissons à des impératifs différents. C’est bien pour ça que nous sommes complémentaires, que nous pouvons fabriquer de la ville ensemble sans chercher à nous substituer à la collectivité. Cela dit, c’est vrai que le privé est souvent frileux, qu’il n’investit que dans des endroits sûrs. Il faut être capable de raisonner à long terme et d’accepter une part de risque. Par exemple, à Gennevilliers, dans la région parisienne, nous avons travaillé avec la Ville et une société d’économie mixte pour reconvertir l’usine Chausson-Renault. Le public souhaitait conserver la maîtrise du foncier et du projet tout en s’associant dès le début à un partenaire privé. Nous avons financé les études, nous avons apporté diverses aides et, en échange, nous avons été retenus pour une première tranche de bureaux et de logements. Que sera la suite ? Je n’en sais rien, mais je crois que notre sérieux a permis d’instaurer une relation de confiance qui vaut tous les contrats.